Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Beaumarchais. Journal satirique, littéraire et financier

Dimanche 3 décembre 1882

Page 2.

(Voir le texte d’origine sur Gallica.)

 

 

A TRAVERS LA SEMAINE

(…)

Jeudi. –

Le bon La Fontaine, déjà nommé, avait découvert Baruch. Mme Sarah Bernhardt vient de découvrir Rollinat, et, sur ses instances, le Figaro – qui veut rentrer en grâce auprès de la gent comédienne – a tressé une couronne triomphale au poète, à peine connu hier, et en passe aujourd’hui de devenir célèbre.

Mon ami L. Victor Meunier, qui a consacré au protégé de Mme Damala une de ses intéressantes causeries de la Bataille, me semble un peu bien injuste pour Rollinat, dont j’ai lu de fort beaux vers, marqués au coin d’une originalité fière et hardie, et d’une superbe allure.

Je conviens que ceux que Meunier a choisis – non sans quelque malice – pour les citer, donneraient une assez faible idée de l’œuvre de Rollinat ; ceux.-ci par exemple :

Quand tu m’es apparue en rêve comme un ange,
Devant mes yeux chagrins l’arc-en ciel a brillé,
Bleu, rouge, indigo, vert, violet, jaune, orange.

Ce dernier vers m’a remis en mémoire un vieux professeur de mathématiques affligé de la manie de la mnémotechnie, et qui provoquait sur nos bancs une formidable hilarité lorsqu’il nous enseignait gravement – et sans rire, lui, le moins du monde – le moyen de retenir une formule difficile. Il avait inventé – pour la formule de la circonférence – ces deux hexamètres approximatifs :

J’attache deux pierres au cordon que je lance,
Elles décrivent en l’air une circonférence.

Et il ne manquait pas de nous faire remarquer, quand il venait dans notre cour de récréation, l’exacte concordance du phénomène physique avec la loi mathématique.

Pour nous faire apprendre les couleurs du spectre solaire, il nous avait recommandé le vers suivant :

Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange, rouge.

Rollinat pourrait bien être aussi un ancien élève de cet honnête fossile. Mais, du moins, ses vers ont le rhythme et la mesure.

(…)

Charles Gérard.

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – L’expression « Le bon La Fontaine avait découvert Baruch. » renvoie à l’anecdote suivante racontée par Louis Racine (fils de Jean Racine) : « Mon père le mena [Jean de La Fontaine] un jour à ténèbres ; et s’apercevant que l’office lui paroissoit long, il lui donna pour l’occuper un volume de la Bible qui contenoit les petits prophètes. Il tombe sur la prière des Juifs dans Baruch ; et ne pouvant se lasser de l’admirer, il disoit à mon père : « C’étoit un beau génie que Baruch : qui étoit-il ? » Le lendemain, et plusieurs jours suivans, lorsqu’il rencontroit dans la rue quelque personne de sa connoissance, après les complimens ordinaires, il élevoit sa voix pour dire : « Avez-vous lu Baruch ? C’étoit un beau génie. » » (pages 156 et 157 des Œuvres de Louis Racine, tome cinquième, Le Normant imprimeur-libraire, Paris, 1808, 586 pages).

– 2 – La soirée chez Sarah Bernhardt consacrée à Maurice Rollinat, s’est déroulée le 5 novembre. L’article du Figaro est celui d’Albert Wolff paru dans l’édition du jeudi 9 novembre 1882, page 1, et intitulé Courrier de Paris.

– 3 – Nous n’avons pas retrouvé l’article de Victor Meunier paru dans la Bataille.