Dossier Maurice Rollinat

 

MAURICE ROLLINAT DANS LA PRESSE

Portrait de Maurice Rollinat par Catherine Réault-Crosnier.

 

Mercure de France

N° 80 d’août 1896

Page 341.

(Voir le texte d’origine sur Gallica.)

 

 

POÈMES

Maurice Rollinat : – Les Apparitions, gr. in-18, Charpentier et Fasquelle, 3.50. – (…).

 

Le nouveau recueil de M. Rollinat n’est pas, comme on aurait pu l’espérer, tissé de l’ombre et de la lumière qui flottent sur les eaux brunes de la Creuse ; je n’y trouve pas le triomphe guetté du châtaignier ; la truite n’y est pas entrevue, même à travers Schumann ; à Gargilès, l’ombre de Georges Sand n’a pas parlé nettement à son oreille ; au Pin, où la route tourne et grimpe, il ne s’est pas ému du grand rire vert de la vallée. C’est aux mystères médiévaux de Châteaubrun, aux ruines rougeâtres de Crosant que le poète des Névroses emprunte encore de la « terreur ». Hélas ! ne sait-il pas que Maeterlinck a fait frissonner ? Depuis l’article de Wolff, y a eu l’article de Mirbeau ; désormais un apologue sur l’Angoisse ne peut guère prétendre à nous émouvoir ; et le Drummond-Castle qui sombre mérite plus ou moins que tel sonnet. Pouvons-nous souhaiter à M. Rollinat, homme sympathique et vaillant, des relations à l’avenir moins farouches avec la Nature optimiste et joyeuse jusqu’en l’ombre mystérieuse de l’au-delà ?

(…)

Francis Vielé-Griffin.

 

Remarques de Régis Crosnier :

– 1 – Il faut bien évidemment lire « Gargilesse » à la place « Gargilès », « George Sand » à la place de « Georges Sand » et « Crozant » à la place de « Crosant ».

– 2 – Lorsque Francis Vielé-Griffin écrit « ne sait-il pas que Maeterlinck a fait frissonner ? », à quel ouvrage pense-t-il ? Est-ce au conte Le massacre des Innocents (1886) d’après un tableau de Pieter Breughel-le-Vieux ? Ou est-ce au drame La Princesse Maleine (1889), histoire d’un amour impossible, où la princesse enfermée par son père avec sa nourrice dans une tour « au milieu des rats, des araignées et des champignons » (acte I, scène IV), s’en échappe pour rejoindre son fiancé ; mais lorsqu’elle le retrouve, elle n’est pas la bienvenue et elle meurt étranglée lors d’une nuit d’orage (acte III, scène V) ; l’ensemble de la pièce se déroulant dans une ambiance de guerre, de mort et de tempête. On peut également penser au drame Pelléas et Mélisande (1892) ou à la pièce La mort de Tintagiles (1894) qui commence ainsi : « Ta première nuit sera mauvaise, Tintagiles. La mer hurle déjà autour de nous ; et les arbres se plaignent. (…) ».

– 3 – Francis Vielé-Griffin fait un parallèle entre Albert Wolff et Octave Mirbeau. L’article d’Albert Wolff sur Maurice Rollinat, est paru dans Le Figaro du jeudi 9 novembre 1882, page 1, sous le titre « Courrier de Paris », suite à la soirée chez Sarah Bernhardt du 5 novembre 1882. Quant à celui d’Octave Mirbeau, il s’agit de l’article intitulé « Maurice Maeterlinck » paru dans Le Figaro du 24 août 1890, page 1, dans lequel il présente de manière élogieuse les livres Serres chaudes et La Princesse Maleine.

– 4 – Quand Francis Vielé-Griffin écrit : « désormais un apologue sur l’Angoisse ne peut guère prétendre à nous émouvoir », à qui pense-t-il ? À Maurice Maeterlinck ? Aux pièces que nous avons citées, nous pouvons ajouter Intérieur (1894) où le climat d’angoisse va crescendo.

– 5 – Le « Drummond Castle » est un paquebot qui a sombré le 16 juin 1896, près de l’île d’Ouessant.